Vous savez, je pense à ma phrase là. Celle
que je vous épargnerai, qui ne sera pas dans ce texte.
Les doigts de l’humanité collent encore ce
soir d’avoir trop branlé l’ineffable partie du cerveau écrasé collectif que
nous torturons ensemble bien que chaque méninge en soit grillée.
La matière grise est désormais celle de mes
mots abîmés, trop chahutés, trop frappés.
Il y a dans chaque tête, un morceau de corps
d’un frère inconnu assimilé, comme un bec d’un oiseau rentré, tête fracassée
contre une vitre rarement lavée.
Un bec disais-je qui a tapé contre la vitre
jusqu’à venir se loger dans le cerveau désormais tuméfié anéanti. C’est l’un de
ces rares exemples où le corps tue le corps. Où le corps se suicide contre la
pensée.
Mais, en fait, je crois que nous sommes tous d’inconscients
suicides aux becs retournés contre les corps qui les portent.
Je pense, donc, je suis un potentiel bec épiphanique
qui secouera un cerveau de plus
Je ne suis
Qu’un bec criminel sur pattes
Et je crois, que nous avons ensemble senti
quelque chose qui ne nous a pas déplu, une odeur parfaite, mais elle était
Recouverte
D’une vitre en verre.
Vous savez, je songe à cette phrase, encore
perdue. Alors que je conduisais en pensant à elle et que je me disais :
note-la. Mais
L’attention que l’on doit porter à la route
m’en empêchait.
Et elle s’est perdue, comme ce bec dans un
autre crâne, d’une existence méritée peut-être.
Je ne veux plus jamais voir un seul de ces
oiseaux s’écraser contre la vitre de mon désespoir. Mais, tout, s’écrase,
encore, maladroitement.
Ça fait longtemps,
ma chère page, que je ne t’avais pas tapée. J’avais oublié ce texte et encore
plus cette phrase…
Je ne sais plus dans quel vide je me noierai
enfin la prochaine fois. Et contre quelle vitre mon bec de phrase tapera
encore.
Je ne sais pas quel bec nous percera tous. Je
ne sais pas quel mot sera parfaitement cloué à la vitre de ma pensée. Je ne
sais pas ce qui sera coupé par le réel, ce qui sera le plus sordide dans ce
corps becté.
Il y a dans chaque texte comme un bec, issu
d’un autre corps peut-être. Ce bec attend encore d’autres cerveaux à percer, et
le texte des mots qui le rongeront.
La phrase percée par un bec
Le bec qui perce la phrase
Le bec percé par la phrase
Le corps percé par le bec
Le corps percé par la phrase
Le bec percé par le corps
Le corps becté
Le corps dont le bec est cassé
Perdu
Ici
Ailleurs
Toujours
La phrase tuée par un bec
La phrase tuméfiée
Blessée
Ou crevée par un bec
Un bec tue la phrase tue la phrase tue la
phrase tu le mot tue la phrase tue la lettre tue la phrase
Le seul mot de la phrase est un bec
Qui a percé
Le corps
Le bec dans le cerveau de la phrase
La phrase dans le fond du bec
Meurtri
Le bec dans la phrase du bec de la phrase
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